Le lock-out sévissant depuis bientôt trois (3) ans dans le secteur de l’automobile au Saguenay-Lac-Saint-Jean, un des plus longs conflits de travail au Québec, est terminé! En effet, une entente de principe est intervenue le 14 janvier 2016 entre le Syndicat démocratique des employés de garage du Saguenay‑Lac‑Saint‑Jean (CSD) (le Syndicat), représentant dans le présent conflit environ quatre cents (400) salariés de garage et la Corporation des concessionnaires automobiles du Saguenay-Lac-Saint-Jean-Chibougamau (la Corporation), une association d’employeurs dont vingt-cinq (25) concessionnaires automobiles sont impliqués dans le conflit.

La loi spéciale

Rappelons que devant l’impasse du présent conflit, le Ministre du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale, M. Sam Hamad, est intervenu en novembre 2015 pour faire adopter une loi spéciale visant à favoriser un règlement des différends opposant les concessionnaires automobiles et les salariés de garage. Le 3 décembre 2015, l’Assemblée nationale du Québec a ainsi adopté à l’unanimité la Loi portant sur le règlement de certains différends dans le secteur de l’automobile de la région du Saguenay‑Lac‑Saint‑Jean (la Loi ). Celle-ci prévoit une dernière période de médiation et, à défaut d’entente entre les parties, deux arbitrages à l’issue desquels les modalités de retour au travail des salariés et les conditions de renouvellement des conventions collectives doivent être déterminées. L’adoption de cette Loi a suscité une vive réaction chez les concessionnaires automobiles impliqués dans le conflit.

Les procédures intentées en Cour supérieure par la Corporation pour attaquer la validité de la Loi

Considérant que la Loi contrevient à la Charte canadienne des droits et libertés (Charte canadienne) et à la Charte des droits et libertés de la personne (Charte québécoise) en ce qu’elle violerait le droit des concessionnaires automobiles au lock-out et le droit de négocier collectivement, la Corporation a intenté, en décembre 2015, un recours devant la Cour supérieure afin d’obtenir un jugement déclaratoire visant à faire déclarer la Loi nulle, invalide et inopérante.

La Corporation a également institué une demande visant à ce que la Cour ordonne la suspension de l’application de la Loi jusqu’à ce qu’elle se prononce sur le fond de l’affaire, soit le statu quo, c’est-à-dire la poursuite de la libre négociation entre les parties et le maintien du droit au lock-out jusqu’à ce que la Cour tranche définitivement la question de la constitutionnalité de la Loi. Or, le 30 décembre 2015, la Cour a rejeté cette demande, confirmant que les vingt-cinq (25) concessionnaires automobiles impliqués dans le conflit étaient tenus de se plier à la Loi jusqu’à ce que la Cour tranche définitivement la question de sa validité.

L’entente de principe

L’entente de principe intervenue entre les parties a été présentée aux membres du Syndicat lors d’une assemblée générale le 23 janvier. Ceux-ci l’ont approuvée à 94 %. Quelque 150 salariés de garage sont retournés au travail le 25 janvier. Les autres salariés de garage bénéficient d’une compensation monétaire pendant six semaines. Ils pourront être rappelés au travail par l’employeur en fonction des besoins et du marché.

Suivant cette entente, les parties n’ont pas été forcées de recourir aux procédures d’arbitrage prévues par la Loi dans l’éventualité où l’ultime période de médiation n’aurait pas porté fruit. La perspective de « forcer » le règlement du conflit par l’application de la Loi semble avoir constitué un levier de négociation suffisant pour dénouer l’impasse et générer une entente de principe entre les parties.

Le droit au lock-out : un droit protégé par les Chartes canadienne et québécoise?

Considérant l’entente intervenue entre les parties, la Corporation se désistera-t-elle de son recours en Cour supérieure visant à trancher la question de la constitutionnalité de la Loi? Ce dossier est à suivre. En effet, la question de la protection du droit des employeurs au lock-out en vertu des Chartes canadienne et québécoise eu égard à la protection reconnue au droit de grève, dont bénéficient les salariés syndiqués, est une question importante pour tous les employeurs syndiqués au Québec.