Le 28 avril dernier, le gouvernement du Québec a dévoilé son plan de relance de l’économie. Ce dernier prévoit notamment la réouverture des chantiers de construction et des entreprises manufacturières (avec restrictions) le 11 mai 2020. Cette réouverture, dans le contexte de la pandémie de la COVID-19, soulève la question suivante : un travailleur peut-il refuser de retourner au travail ?

Le droit de refus

Un travailleur a le droit de refuser d’exécuter un travail qui présente un danger pour sa santé, sa sécurité ou son intégrité physique ou celle des autres[1]. Encore faut-il, cependant, que ce travailleur ait des motifs raisonnables de croire que l’exécution de ce travail l’expose à un semblable danger. La législation prévoit d’autres balises à l’intérieur desquelles ce droit doit être exercé, à savoir, notamment, que le travailleur doit immédiatement communiquer à un représentant de l’employeur le droit de refus qu’il entend exercer[2]. Également, le travailleur ne peut exercer pareil droit si les circonstances d’exécution du travail sont normales étant donné le type de travail qu’il est appelé à exécuter, ou si le refus d’exercer ce travail met la sécurité d’autrui en péril immédiat[3].

Le caractère raisonnable

La question de savoir si l’exercice du droit de refus d’exécuter un travail est raisonnable s’analyse en fonction des critères suivants :

  • l’existence d’un danger auquel le travailleur est exposé ;
  • des motifs raisonnables de croire que l’exécution du travail présente pareil danger pour la santé ou la sécurité du travailleur ; et enfin,
  • une personne normale, placée dans les mêmes circonstances que celles dans lesquelles se trouve le travailleur qui entend exercer son droit de refus, peut croire, elle aussi, que l’exécution du travail présente un danger pour sa santé ou sa sécurité[4].

Notons au passage que l’état de santé du travailleur ne peut généralement pas constituer un motif de refus d’exécuter le travail[5].

L’existence d’un danger

Dans le contexte actuel de pandémie mondiale, l’existence d’un danger pourra être déterminée en considérant, notamment, la présence d’une personne infectée ou avec des symptômes sur les lieux du travail et la tolérance de l’employeur à cet égard, mais aussi l’existence, le respect et le contrôle des mesures de prévention et d’identification des symptômes mises en place par l’employeur à la lumière des recommandations des autorités publiques afin de maintenir un environnement de travail sain et sécuritaire, exempt de contagion et de maladie.

Le travailleur qui refuse de retourner au travail

Dans la mesure où l’employeur met en place des mesures de prévention et d’identification des symptômes de la COVID-19 et en assure le respect ainsi que le contrôle, il est peu probable qu’un inspecteur de la Commission des normes, de l’équité de la santé et de la sécurité du travail (la CNESST) conclue à l’existence objective d’un danger sur les lieux de travail.

À cet effet, aucun droit de refus de travailler en raison de la COVID-19 n’a été accepté par la CNESST en date du 8 avril 2020. D’ailleurs, le ministre du Travail et de l’Emploi, Jean Boulet, a récemment indiqué que la crainte reliée à la COVID-19 ne sera pas suffisante pour justifier un tel refus dans le cadre de la reprise des activités économiques du Québec. Selon le ministre Boulet, les travailleurs devront retourner au travail à moins qu’ils ne satisfassent aux conditions prévues à la loi ou à leurs conventions collectives.

Il est à prévoir que certains travailleurs, sans toutefois exercer leurs droits de refus, s’objecteront néanmoins à leur retour au travail, invoquant, par exemple, le fait qu’ils doivent s’occuper de leurs enfants qui ne retournent pas à l’école ou l’état de santé particulièrement fragile d’un parent ou d’un-e conjoint-e. Dans ces cas, nous recommandons aux employeurs de favoriser la communication avec leurs salariés et de faire preuve de flexibilité, lorsque cela est possible.

Ainsi, il serait pertinent que les employeurs mettent en place une politique visant à permettre aux salariés de prendre des congés sans solde ou de devancer leurs vacances. Les employeurs devraient également rassurer leurs salariés dès que possible en leur confirmant que leurs lieux de travail sont sécuritaires et que des mesures préventives sont en place afin de réduire les risques de contagion. En terminant, il est à noter que les salariés pourraient vraisemblablement se prévaloir des dix (10) jours de congés prévus à la Loi sur les normes du travail pour remplir leurs obligations familiales.

 

[1] Article 12, Loi sur la santé et la sécurité du travail, RLRQ c S-2.1.

[2] Article 15, Loi sur la santé et la sécurité du travail, RLRQ c S-2.1.

[3] Article 13, Loi sur la santé et la sécurité du travail, RLRQ c S-2.1.

[4] Linda Bernier, Guy Blanchet et Éric Séguin, « Les mesures disciplinaires et non disciplinaires dans les rapports collectifs de travail », L’insubordination, Éditions Yvon Blais, 2019, p. 15.

[5] Ibid.