Dans une décision rendue en avril 2023, le Tribunal administratif du travail (le TAT)[1], par l’entremise du juge Guy Blanchet, a déclaré que l’employeur avait contrevenu aux articles 12 et 53 du Code du travail[2] (ci-après le C.t.), car il avait entravé les activités du syndicat et manqué à son obligation de négocier de bonne foi. Toutefois, malgré cette conclusion, le TAT a conclu qu’il n’y avait pas lieu d’octroyer des dommages punitifs. 

Contexte

Le litige entre les parties découle de la négociation de la première convention collective.

En novembre 2019, le Syndicat a transmis un avis de négociation à l’Employeur. Toutefois, les négociations se sont révélées ardues et ont perduré de novembre 2019 à mars 2022. Devant l’impasse, un médiateur-conciliateur a été désigné puis un arbitre de différends a été nommé. C’est dans ce contexte de négociations difficiles que le Syndicat dépose deux plaintes au TAT en reprochant à l’Employeur d’avoir entravé ses activités et d’avoir manqué à son obligation de négocier de bonne foi et ce, à deux reprises.

Une première plainte est déposée en mars 2021 dans laquelle le Syndicat reproche à l’Employeur d’avoir communiqué directement avec l’un de ses membres à propos d’une offre patronale présentée au comité de négociation et d’avoir communiqué par courriel avec les salariés afin de recueillir leur avis sur les conditions de travail de quatre nouveaux postes de soutien aux équipes et programmes (la Première plainte).

Par la suite, le Syndicat a déposé une deuxième plainte en février 2022 dans laquelle il reproche au président du conseil d’administration de l’Employeur d’avoir tenu des propos visant à entraver les activités du Syndicat (la Deuxième plainte).

Décision

  1. La première plainte déposée en mars 2021

En ce qui concerne le premier incident, soit la communication de l’Employeur à l’un des salariés relativement à une offre patronale, le TAT rejette cette allégation en ce que la plainte est tardive puisqu’elle a été déposée plus de 30 jours après la connaissance de cet événement.

Puis, relativement au courriel transmis aux membres du Syndicat quant à la création de nouveaux postes, le Tribunal reconnaît que l’Employeur tente de négocier directement avec les salariés. Il devait plutôt se tourner en premier lieu vers le Syndicat pour tenter de trouver des solutions avant de proposer l’ajout de nouveaux postes, car il s’agit nécessairement d’une affaire syndicale. En agissant de la sorte, l’Employeur a entravé les activités syndicales, car il a agi de manière à déstabiliser et à affaiblir le Syndicat au sens de la jurisprudence majoritaire à cet effet. Le Tribunal rappelle également que le Syndicat se trouvait, à cette époque, dans une position vulnérable puisqu’il en était encore à négocier la première convention collective. Le juge accueille donc cette partie de la Première plainte.

  1. La deuxième plainte déposée en février 2022

Dans le cadre de la Deuxième plainte, le Tribunal accueille la plainte du Syndicat quant au fait que les propos du président du conseil d’administration constituaient une entrave aux activités syndicales, car ils avaient comme objectif de déstabiliser le Syndicat. En effet, le président avait notamment discuté de la pression exercée par les représentants syndicaux et avait indiqué aux salariés qu’ils savaient quoi faire s’ils ne souhaitaient plus être syndiqués. Le TAT reconnait également que les propos visaient à remettre en question la stratégie syndicale et qu’ils ont semé le doute chez certains salariés.

Cependant, puisque les parties étaient alors devant l’arbitre de différends, la période de négociation était alors terminée lorsque ces propos ont été tenus, ce qui fait en sorte que le Tribunal rejette la plainte pour négociations de mauvaise foi.

  1. L’octroi de dommages punitifs

Finalement, le Tribunal rejette la demande de dommages punitifs du Syndicat. Le TAT reprend la jurisprudence pertinente qui établit que pour octroyer des dommages punitifs ou exemplaires, l’atteinte au droit d’association doit être substantielle. Elle doit compromettre l’activité des salariés au sein de leur syndicat. Il estime donc que l’atteinte n’est pas suffisamment substantielle dans le présent cas.

À retenir

Cette décision est pertinente, car elle offre un exemple de certains types d’entraves aux activités d’un syndicat  dans le processus de l’adoption d’une première convention collective. Il rappelle également l’importance pour l’Employeur qui souhaite communiquer avec les salariés durant une négociation d’être très prudent et de prendre le soin d’informer les représentants syndicaux du contenu de sa communication.

En ce qui concerne les allégations de négociation de mauvaise foi, les propos du TAT sont particulièrement intéressants. En effet, dans le cadre de la première plainte, il a jugé que la communication directe avec les salariés était contraire à l’obligation de négociation de bonne foi de l’Employeur, et ce, bien que le juge reconnaisse les arguments de l’Employeur voulant que la situation était urgente et qu’il n’avait pas l’intention de nuire aux activités syndicales.

Finalement, il est pertinent de rappeler que le critère pour obtenir des dommages punitifs dans le cas d’entrave aux activités du Syndicat est assez élevé.

L’autrice tient à remercier Sabrina Cloutier, étudiante en droit, pour son aide dans la rédaction de cet article.


[1] Syndicat des travailleuses et travailleurs du CJE Bourassa-Sauvé – CSN c. Rond-Point Jeunesse au travail, 2023 QCTAT 1756

[2] Code du travail, RLRQ, c. C -27.