Dans une décision récente[1], le Tribunal administratif du travail (TAT) a rejeté la plainte d’un salarié (le Plaignant) pour congédiement sans cause juste et suffisante, confirmant que son congédiement était justifié. Cette affaire met en lumière l’importance des valeurs d’inclusion et de respect au sein des entreprises, et souligne les conséquences graves des comportements abusifs et des violations des obligations de confidentialité. Même dans un contexte manufacturier où les employés se taquinent fréquemment, certains comportements, malgré le fait qu’ils sont adoptés sans intention de blesser, sont incompatibles avec les normes modernes de conduite professionnelle.
Les faits
Le 28 septembre 2022, le Plaignant a déposé une plainte en vertu de l’article 124 de la Loi sur les normes du travail contre Contrôles Laurentide ltée (l’Employeur), alléguant un congédiement sans cause juste et suffisante qui serait survenu le 18 août 2022. L’Employeur admet que les conditions d’ouverture du recours sont remplies, mais soutient que le congédiement est justifié par des comportements abusifs, humiliants et vexatoires de la part du Plaignant.
L’Employeur exploite une entreprise de solutions d’automatisation et de fiabilité pour les procédés industriels. Le Plaignant, embauché en décembre 2019, était responsable de la formation et de la supervision d’une équipe de 6 à 9 employés. En juillet 2022, un employé de son équipe a porté plainte pour harcèlement, discrimination et climat de travail toxique. Une enquête interne a conclu à plusieurs fautes graves du Plaignant, entraînant son congédiement le 18 août 2022.
Preuve des fautes reprochées
L’Employeur reproche au Plaignant des comportements inappropriés, notamment des questions déplacées sur la transition de genre d’un employé de son équipe, la divulgation non autorisée de cette information à d’autres membres de l’équipe[2], l’usage de surnoms dégradants, le manque de respect envers les pratiques spirituelles autochtones de l’employé, et des commentaires discriminatoires. De plus, le Plaignant a toléré ces mêmes comportements abusifs de la part d’autres membres de son équipe.
Cause juste et suffisante de congédiement
Le Tribunal a jugé que l’Employeur a prouvé de manière prépondérante ces fautes, les considérant comme graves et incompatibles avec les fonctions de chef d’équipe du Plaignant. La décision souligne que ces comportements contreviennent aux valeurs et aux politiques de l’entreprise, qui incluent l’inclusion et le respect.
Lors de son témoignage au Tribunal, deux ans après les faits, le Plaignant a continué de minimiser la gravité de ses actions. Vu l’absence de remords et de prise de conscience sincère par le Plaignant, combinés à la gravité objective des comportements reprochés, le congédiement immédiat par l’Employeur était justifié et ne nécessitait pas une progression des sanctions.
Que retenir
Cette décision souligne l’importance pour les employeurs de maintenir un milieu de travail respectueux et exempt de harcèlement. Les comportements abusifs, humiliants et discriminatoires, même s’ils ne sont pas motivés par la malice, peuvent justifier le congédiement immédiat d’un employé, surtout lorsque ces comportements proviennent d’un supérieur hiérarchique chargé de montrer l’exemple. La progression des sanctions n’est pas toujours nécessaire si les fautes sont graves et si l’employé concerné ne démontre aucun remords ou volonté de changer.
Nous tenons à remercier Mme Leilah Bruneau Da Costa pour sa contribution à ce bulletin.
[1] Masse c. Contrôles Laurentide ltée, 2024 QCTAT 4063. Nous tenons à préciser que cette décision est présentement sujet à un pourvoi en contrôle judiciaire.
[2] En particulier, le Plaignant a violé son obligation de confidentialité en divulguant des informations sur le changement de sexe de l’employé, contrevenant à l’article 5 de la Charte des droits et libertés de la personne, à l’article 35 du Code civil du Québec, et à la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé.