En vertu de l’article 2088 du Code civil du Québec, le salarié est tenu, entre autres, d’agir avec loyauté envers son employeur :

2088. Le salarié, outre qu’il est tenu d’exécuter son travail avec prudence et diligence, doit agir avec loyauté et ne pas faire usage de l’information à caractère confidentiel qu’il obtient dans l’exécution ou à l’occasion de son travail.

Ces obligations survivent pendant un délai raisonnable après cessation du contrat, et survivent en tout temps lorsque l’information réfère à la réputation et à la vie privée d’autrui.

Le salarié peut être en désaccord avec les décisions ou les positions adoptées par son employeur. Le salaré est titulaire de la liberté d’expression, en vertu des articles 3 de la Charte des droits et libertés de la personne et 2b) de la Charte canadienne des droits et libertés.

Mais attention!

En exerçant son droit à la liberté d’expression, le salarié ne doit pas violer son devoir de loyauté… Ainsi, il est à se demander quelle est la portée de l’obligation de loyauté du salarié dans le cadre de divulgations, critiques ou dénonciations effectuées par ce dernier contre l’employeur, publiquement, auprès des médias.

Il est fréquent, notamment en milieux de travail syndiqués, qu’on assiste à des commentaires destinés au public, particulièrement lors de conflits de travail.

Comment réconcilier tout cela?

Dans tous les cas, le salarié qui s’exprime publiquement doit agir de bonne foi, et non par vengeance. Le fait de porter atteinte à la réputation de l’employeur ou de mettre en péril ses affaires peut être de nature à briser le lien de confiance, essentiel à toute relation d’emploi.

Le salarié doit donc tout faire pour régler la situation à l’interne, avant d’étaler un différend sur la place publique.   

En s’exprimant publiquement, le salarié aussi doit faire preuve de modération et de prudence. Véhiculer des informations fausses ou trompeuses constitue une faute.

Par ailleurs, le fait d’être un représentant syndical n’a pas pour effet de conférer un droit absolu à la liberté d’expression, bien que la jurisprudence soit plus tolérante vis-à-vis des commentaires qu’il peut formuler sur la place publique, contrairement à un salarié qui n’exerce aucune fonction syndicale.

Par exemple, dans l’affaire Bolduc et Collège de Montréal, 2010 QCCRT 0130, la salariée plaignante, présidente de syndicat et agente administrative, avait divulgué aux médias des renseignements précis relatifs aux dépenses de l’employeur ainsi qu’à leur caractère « luxueux ». Elle a par la suite été congédiée. Le salariée a déposé une plainte, invoquant qu’elle a été congédiée en raison de ses activités syndicales. La Commission des relations du travail a conclu que salariée, ce faisant, avait agi de manière à rompre le lien de confiance qui doit exister entre elle et son employeur, tout en manquant à son obligation de loyauté et de confidentialité.  Cependant, le tribunal formule le commentaire suivant, qui traduit bien l’idée selon laquelle la réconciliation du droit à la liberté d’expression et le devoir de loyauté peut être périlleux, particulièrement dans le cas d’un représentant syndical:

Cela dit […] le rôle d’un représentant syndical peut l’amener à prendre des positions qui ne seront pas populaires du côté de l’employeur. Une application inconsidérée de l’obligation de loyauté pourrait restreindre grandement la liberté d’expression d’un représentant syndical et l’empêcher de jouer le rôle que lui reconnaît le Code. […] Son rôle s’apparente alors à celui d’un funambule qui doit sans cesse maintenir son équilibre sur le fil de la contestation, alors que la chute dans l’insubordination l’attend au moindre faux pas.

Comment doit réagir l’employeur? Quels sont les critères qui permettent à l’employeur de déterminer si l’exercice du droit à la liberté d’expression sur la place publique est inapproprié, et donc sujet à sanction? Nous le verrons dans un prochain article.

Merci à Geneviève Geneau, étudiante chez Norton Rose à Québec, pour sa collaboration à la préparation de cet article.