Cet article a été rédigé par Me Éric L’Italien, avocat chez Norton Rose Fulbright (Montréal)
Dans une décision récente, la Cour du Québec confirme que les dispositions prévues à la Loi sur les normes du travail (« L.N.T. ») et visant la mise en œuvre d’un licenciement collectif n’ont pas été édictées simplement à des fins purement dissuasives. Du même coup, elle confirme aussi que la peine prévue à l’article 141.1 de la L.N.T. n’établit pas une peine maximale mais réfère plutôt à une peine dont le montant sera susceptible de varier en fonction du nombre de semaines ou partie de semaines pour lesquelles une violation à l’obligation d’aviser le Ministre de l’Emploi et de la Solidarité sociale surviendra.
Les dispositions légales relatives au licenciement collectif se retrouvent dans la L.N.T. aux articles 84.0.1 et suivants.
De manière générale et sauf dans certains cas d’exceptions, l’article 84.0.4 de la L.N.T. prévoit que l’employeur doit, avant de procéder à un licenciement collectif pour des raisons d’ordre technologique ou économique, en donner avis au Ministre dans des délais minimaux variant de huit (8) à seize (16) semaines tout dépendamment du nombre de salariés affectés.
Il est clairement stipulé à l’article 84.0.13 de la L.N.T. que l’employeur qui ne respecte pas le délai d’avis, que ce soit par omission ou insuffisance de l’avis, doit indemniser le salarié, en lui versant une indemnité équivalente à son salaire habituel et ce, pour une période égale à celle de la durée ou de la durée résiduaire du délai d’avis auquel il était tenu.
La Commission des normes du travail est l’organisme chargé de l’application de ces normes. Ainsi, dans les cas où un employeur n’aurait pas donné un avis ou aurait donné un avis insuffisant, la Commission pourra réclamer, pour le compte des salariés, l’indemnité en question. De plus, un recours de nature pénale pourra, tel que prévu à l’article 141.1 de la L.N.T., être intenté contre l’employeur fautif.
Dans l’affaire qui nous occupe, l’entreprise défenderesse avait justement été reconnue coupable d’avoir omis, pour une période de onze semaines s’échelonnant du 25 avril au 9 juillet 2008, de donner un avis au Ministre. Alors que le poursuivant exigeait l’imposition de la peine minimale de 16 500$ équivalant au montant de 1 500$ multiplié par le nombre de semaines de violation, soit onze, la défenderesse contestait le montant en question, alléguant plutôt que le Tribunal aurait dû user de son pouvoir discrétionnaire pour refuser d’imposer ce qu’elle qualifiait de peine maximale en l’espèce.
Tout en reconnaissant que dans le cadre de l’article 141.1, le législateur a fait usage de l’expression « est passible d’une amende de », laquelle réfère généralement à une peine maximale, le Tribunal souligne néanmoins que cette expression doit être interprétée en harmonie avec l’esprit, l’objet de la L.N.T. et l’intention du législateur. Mentionnant le fait que cette expression n’a pas été accolée à des termes tels que « amende maximale », « n’excédant pas », « ne dépassant pas » ou « d’au plus », mais surtout l’importance que le législateur a voulu accorder au nombre de semaines que doit comporter le préavis donné au Ministre, le Tribunal est d’avis que l’amende en l’espèce ne fait pas référence à une peine maximale mais plutôt à un montant de 1 500$ qui devra être multiplié par le nombre de semaines ou partie de semaines d’absence ou de retard à donner ledit préavis. À la lumière de ces conclusions, le Tribunal considère n’avoir aucune discrétion pour déterminer un montant moindre que celui qui fut réclamé.
Selon nos recherches, il s’agit de la première fois où un employeur est appelé, dans le contexte d’un licenciement collectif, à être sanctionné au niveau pénal en raison d’une telle omission.