Quand vient le temps d’évaluer le caractère exécutoire d’une clause de licenciement concernant des employés avertis en Ontario, l’intention compte. Dans une récente affaire, Rahman v Cannon Design Architecture[1], la Cour a jugé que la clause de licenciement était exécutoire, en partie parce que la preuve avait établi que, pendant les négociations entre l’employeur et l’employée avertie, il y avait eu intention commune de respecter les normes minimales prévues par la Loi de 2000 sur les normes d’emploi (LNE).
Circonstances entourant la conclusion de la clause
Dans l’affaire qui nous occupe, l’employée – une directrice – était avertie. Elle avait été licenciée sans motif valable après environ quatre années de service. Elle alléguait qu’il s’agissait d’un congédiement injustifié pour le motif que les dispositions en matière de licenciement de son contrat d’emploi n’étaient pas conformes à la LNE.
La Cour a rejeté la demande, soulignant qu’il y avait eu intention de respecter la LNE et que la clause de licenciement en elle-même ne passait pas outre contractuellement à la législation. L’intention avait été établie en raison des circonstances entourant la conclusion de la clause :
- En premier lieu, il n’y avait pas de déséquilibre du pouvoir de négociation entre l’employée et l’employeur pendant les négociations contractuelles.
- En second lieu, l’employée avait demandé, et reçu, des conseils juridiques indépendants pendant les négociations contractuelles et avait disposé de suffisamment de temps pour en obtenir, ce qui avait donné lieu à d’importantes améliorations de son contrat d’emploi, notamment à l’égard de ses droits en cas de licenciement.
- En troisième lieu, bien qu’aucune préoccupation concernant la clause de licenciement n’avait été soulevée pendant les négociations, la Cour a indiqué que le conseiller juridique de l’employée avait néanmoins eu la possibilité d’exprimer des objections à cet égard. De l’avis de la Cour, il aurait été illogique de conclure que l’omission du conseiller juridique d’aborder certains points pendant les négociations puisse d’une manière ou d’une autre mener à conclure que la clause de licenciement cherchait à passer outre contractuellement aux droits minimaux prévus par la LNE en cas de licenciement. À cet égard, la Cour a affirmé que « [traduction] la perfection n’est certainement pas la norme requise en matière de conseils juridiques dans un tel contexte ».
- En outre, la Cour a souligné qu’en pratique, les politiques et pratiques de l’employeur en matière de licenciement ne violaient pas les droits minimaux prévus par la LNE.
- En dernier lieu, le contrat d’emploi renfermait une clause de clarification prévoyant que « [traduction] l’obligation maximale… en matière de préavis en vertu de la common law, d’indemnité de licenciement, de maintien des avantages sociaux, d’indemnité de cessation d’emploi ou d’indemnité tenant lieu de préavis » se limitait à la période de préavis la plus longue entre celle exigée par le contrat ou celle découlant des normes minimales de la LNE, dépendamment si certaines conditions étaient remplies. Cette clause a été jugée exécutoire, puisque le contrat prévoyait des paiements qui n’étaient pas inférieurs au montant minimal exigé par la LNE.
Mise en garde
Même si la décision Rahman est réjouissante pour les employeurs ontariens, chaque cas est un cas d’espèce et le libellé des clauses de licenciement varie inévitablement d’un contrat et d’un employeur à l’autre. Bien que cette affaire semble accorder un répit aux employeurs, il convient de souligner que le droit dans ce domaine n’est pas entièrement fixé.
Par exemple, dans une décision[2] publiée un mois après la décision Rahman, la Cour de justice de l’Ontario a conclu que le fait qu’un employé était averti et avait obtenu des conseils juridiques indépendants ne permettait pas à son employeur d’invoquer une disposition en matière de licenciement non conforme à la LNE. Autrement dit, l’intention commune de se conformer à la LNE – à elle seule – ne peut pas toujours rendre une clause de licenciement valide selon les circonstances.[3]
Dans les cas où le caractère exécutoire d’une clause de licenciement est en cause, il serait par conséquent judicieux pour les employeurs ayant des employés avertis de faire preuve de prudence dans l’évaluation de l’intention commune et des circonstances qui entourent la conclusion de la clause.
Notes en bas de page
[1] 2021 ONSC 5961.
[2] Steve Livshin v The Clinic Network Canada Inc, 2021 ONSC 6796.
[3] Voir aussi: Campbell-Givons v Humber River Hospital, 2021 ONSC 6317.
L’auteur souhaite remercier Alexander Carden, stagiaire, pour son aide à la rédaction de ce billet.