Les faits de cette affaire

Après plus de 17 ans à l’emploi d’une compagnie de transport de marchandises lourdes, dont cinq en tant que directeur général, un employé est congédié sans préavis ni explication autre qu’une alléguée « incompatibilité ». Ce congédiement intervient dans une période économiquement précaire pour l’entreprise. Une fois congédié, l’ancien directeur a dû quitter immédiatement les lieux ce qui a suscité la suspicion des autres employés et de compétiteurs.

Dans les faits, environ un mois après son congédiement, l’ancien directeur s’est retrouvé un nouvel emploi lui permettant de toucher un salaire deux fois plus élevé que celui qu’il recevait avant son congédiement. Il s’est tout de même adressé à la Cour supérieure pour réclamer un délai-congé raisonnable ainsi que des dommages moraux et punitifs.

Le jugement de la Cour supérieure

En première instance, la Cour détermine que le directeur a fait l’objet d’un congédiement sans motif sérieux et que l’employeur aurait dû lui octroyer un délai-congé de 18 mois. Cependant, le juge constate également que le directeur a touché un salaire deux fois plus élevé que ce qu’il aurait reçu durant ces 18 mois s’il était resté à l’emploi d’Équipements Masse 1987 inc. Ainsi, en acceptant ce nouvel emploi, l’ancien directeur semble avoir entièrement minimisé ses dommages. Or, selon la Cour, ce salaire plus élevé ne compense pas tous les inconvénients subis suite à son congédiement. Bien qu’elle ne condamne pas l’employeur à lui verser une indemnité de 18 mois de salaire, elle estime tout de même que l’ancien directeur a droit à une indemnité de 30 000$ pour la perte de certains avantages liés à son ancien emploi, à savoir :

  • Le poste obtenu chez son nouvel employeur comporte des responsabilités moins élevées;
  • Il n’a plus la possibilité de devenir propriétaire de l’entreprise;
  • Il doit travailler plus d’heures par semaine dans son nouvel emploi;

Les Équipements Masse 1987 inc. fait appel de cette décision.

Décision de la Cour d’appel du Québec

Dans une décision unanime, la Cour d’appel casse partiellement la décision de la Cour supérieure

En effet, la Cour souligne que le directeur congédié s’était rapidement trouvé un nouvel emploi lui permettant de toucher un salaire deux fois plus élevé que celui qu’il recevait avant son congédiement. Ce faisant, ce nouvel emploi a compensé tout préjudice que le directeur alléguait avoir subi à la suite de son congédiement tel que la « satisfaction moindre » à l’égard de son nouvel emploi ainsi que la perte de certains autres avantages. Suivant la Cour, les inconvénients ou insatisfactions ressentis par l’ancien directeur dans son nouvel emploi ne justifiaient pas l’indemnité de 30 000$ octroyée par la Cour supérieure.

La seule compensation à laquelle il aurait eu droit est une indemnité d’un mois de salaire pour la période entre la date du congédiement et celle de son embauche chez son nouvel employeur. Or, cette période avait déjà été indemnisée par Les Équipements Masse 1987 inc. dans le cadre du règlement d’une plainte déposée en vertu du Code canadien du travail.

Conséquemment, la Cour d’appel conclut que l’ancien directeur n’avait droit à aucune autre indemnité à titre de délai-congé.

Enseignements à retenir

De façon unanime, la Cour d’appel confirme le caractère « essentiellement indemnitaire » (par. 29 de la décision) du délai-congé à accorder lors d’un congédiement fait sans motif sérieux. Lorsque l’employé congédié se retrouve rapidement un nouvel emploi qui compense entièrement la perte salariale subie suite au congédiement, il lui sera difficile de réclamer un délai-congé, outre pour la période durant laquelle il se sera trouvé sans emploi et ce, même s’il prétend subir des inconvénients ou avoir perdu certains avantages liés à son ancien emploi. Dans le contexte actuel de pénurie de main-d’œuvre et d’abondance de postes non comblés dans certains secteurs, ces enseignements de la Cour d’appel seront donc une considération importante pour les employeurs.

L’auteure tient à remercier Émile Bresse, stagiaire en droit, pour son aide dans la rédaction de ce billet.