Dans une sentence arbitrale[1] rendue le 13 janvier 2025, l’arbitre Éric-Jan Zubrzycki rejette un grief syndical concernant le refus par la Commission scolaire crie (Employeur) d’accepter une demande d’accommodement d’une employée, soit du télétravail à temps plein pour des raisons médicales. L’arbitre a examiné les obligations de l’employeur, notamment en vertu de la convention collective et de la Charte des droits et libertés de la personne[2], et a conclu en faveur de l’Employeur. Il a souligné que « l’accommodement [demandé] doit être raisonnable et ne pas imposer une contrainte excessive à l’employeur »[3], et a convenu que la Commission scolaire crie avait besoin d’un.e employé.e physiquement présent.e dans ses locaux pour répondre aux besoins ponctuels des étudiant.e.s et réaliser la mission de l’organisation.

Les faits

Le Syndicat des professionnelles et professionnels en milieu scolaire du Nord-Ouest (Syndicat) a contesté le refus de la Commission scolaire crie d’accepter une demande d’accommodement pour des raisons médicales. L’employée en cause (Plaignante) souffrait de problèmes de santé, notamment des douleurs chroniques et des limitations de mobilité, qui nécessitaient un environnement de travail adapté. Sur recommandation de son médecin, elle a demandé à pouvoir effectuer son travail entièrement depuis son domicile comme elle l’avait fait durant la pandémie. Or, la Plaignante est la seule conseillère en orientation et la seule qualifiée, au bureau de Montréal, pour gérer certaines situations d’urgence, telles que des crises de santé mentale chez les étudiant.e.s. De plus, elle doit se déplacer hors de Montréal environ 25 jours par année pour des activités de recrutement.

Position du syndicat

Le Syndicat a soutenu que l’Employeur devait fournir un accommodement raisonnable pour les employés ayant des besoins médicaux spécifiques[4]. Il a affirmé que le refus de l’accommodement constituait une violation de la convention collective et des droits des employés. De plus, le Syndicat a plaidé la discrimination en vertu de la Charte.

Position de l’employeur

L’Employeur argumente plutôt que l’accommodement demandé imposerait une contrainte excessive sur l’organisation. Les ajustements nécessaires pour répondre à la demande de la Plaignante seraient déraisonnables et entraîneraient des difficultés opérationnelles importantes. L’Employeur a également souligné que « le droit de recevoir des services en personne appartient aux étudiant.e.s, et la situation précaire de certains [d’entre eux] rend cet aspect particulièrement crucial »[5]. La présence de la Plaignante est donc essentielle, et ce même si son travail est constitué à 50 % de tâches administratives.

La Commission scolaire crie n’a pas nié qu’il y a une discrimination prima facie, mais a soutenu que cette discrimination était justifiée en vertu de l’article 20 de la Charte[6].

La sentence arbitrale

L’arbitre Zubrzycki a conclu que la demande de la Plaignante d’effectuer son travail entièrement de la maison constituait une contrainte excessive pour l’Employeur. Il a convenu que le droit des étudiant.e.s de recevoir des services en personne était un facteur important. De plus, l’arbitre a noté l’absence de preuve médicale indiquant un possible retour physique au bureau par la Plaignante et pris en compte que des accommodements étaient nécessaires et accordés depuis plusieurs années. Surtout, il a relevé que la Plaignante n’avait pas adéquatement coopéré au processus de recherche d’accommodements en s’abstenant de communiquer, tant au Syndicat qu’à l’Employeur, qu’elle avait fait une demande de transport adapté et que cette demande avait été acceptée[7], ce qui aurait pu permettre une entente entre le Syndicat et l’Employeur.

Que retenir

L’arbitre a souligné que l’obligation d’accommodement a des limites et que les employeurs n’ont pas à se voir imposer des démarches de réorganisation disproportionnées. Bien sûr, chaque demande d’accommodement doit être évaluée de manière individuelle et contextuelle, en tenant compte des capacités de l’employé et des besoins de l’organisation. Cette décision rappelle également l’importance de la communication et de la collaboration entre l’employeur, le syndicat et les employés – et le rôle actif de ses derniers au processus – pour trouver des solutions d’accommodement viables pour toutes les parties impliquées.

L’autrice tient à remercier Leilah Bruneau Da Costa pour sa contribution à la rédaction du présent article.


[1] Syndicat des professionnelles et professionnels en milieu scolaire du Nord-Ouest (SPPMSNO) c. Commission scolaire Crie [SPPMSNO c. CS Crie], 2025 CanLII 658.

[2] RLRQ, c. C-12.

[3] SPPMSNO c. CS Crie, para 37.

[4] Id., para 48.

[5] Id., para 81.

[6] « Une distinction, exclusion ou préférence fondée sur les aptitudes ou qualités requises par un emploi, ou justifiée par le caractère charitable, philanthropique, religieux, politique ou éducatif d’une institution sans but lucratif ou qui est vouée exclusivement au bien-être d’un groupe ethnique est réputée non discriminatoire. »

[7] SPPMSNO c. CS Crie, para 64 et 75 à 77.