En matière sociale, l’un des points clés à prendre en considération dans les transactions commerciales, en particulier dans les transactions internationales, est l’implication éventuelle du comité social et économique (“CSE”). C’est en effet un sujet à ne pas négliger compte tenu des pouvoirs importants attribués au CSE et de l’impact qu’une procédure d’information et de consultation peut avoir sur le calendrier de l’opération envisagée.
Dès lors, il convient tout d’abord de vérifier si l’entité / les entités françaises impactées par l’opération commerciale ont élu un CSE, étant précisé que les obligations d’information et de consultation des CSE lorsqu’ils existent, ne concernent en principe que les entités employant au moins 50 salariés.
En présence d’un CSE, il conviendra ensuite d’analyser si l’opération doit donner lieu ou non à une procédure d’information et de consultation du CSE. A ce titre, le code du travail prévoit de manière assez large que le CSE est informé et consulté sur les questions intéressant l’organisation, la gestion et la marche générale de l’entreprise, notamment sur les mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs, la modification de son organisation économique ou juridique, les conditions d’emploi, de travail, notamment la durée du travail, et la formation professionnelle, l’introduction de nouvelles technologies, ou tout aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail.
Dans les transactions commerciales, et d’un point de vue pratique, cela signifie que le CSE d’une société devra être informé et consulté en cas de cession des actions de ladite société, en cas de cession de fonds de commerce (notamment en cas de fusion), en cas de scission, cession partielle d’actifs, etc… Au vu de la jurisprudence récente, une cession indirecte méritera quant à elle une analyse plus poussée en fonction des circonstances factuelles de l’opération envisagée.
Si une procédure d’information et de consultation du CSE est requise, se posera alors la question délicate de son intégration dans le calendrier global de la transaction. L’anticipation est donc un critère déterminant en la matière, qui va permettre d’établir en amont de la transaction un calendrier réaliste intégrant les aspects liés au(x) CSE français et permettant d’éviter ainsi de mauvaises surprises et un éventuel décalage/retard de l’opération, lorsque cet aspect n’a pas été géré convenablement dès le départ.
Pour mémoire, le principe en droit du travail est le caractère préalable de la consultation, à savoir que le CSE doit être consulté avant toute prise de décision de l’employeur. Dans les transactions commerciales, ce principe se traduit par le fait que la consultation du CSE devra être intervenue avant la signature de la documentation commerciale.
Sauf accord interne prévoyant des délais de consultation plus longs, le délai legal maximum de consultation du CSE est d’un mois. Ce délai est porté à deux mois en cas de nomination d’un expert par le CSE et à trois mois, dans l’hypothèse de plusieurs expertises lorsque la procédure implique de consulter à la fois le CSE central et le/les CSE d’établissement.
La procédure de consultation se clôt en principe par l’obtention de l’avis du CSE. Néanmoins, si à l’expiration des délais mentionnés ci-dessus, le CSE n’a pas rendu d’avis, il sera réputé avoir été consulté et rendu un avis négatif (sous réserve toutefois qu’il ait été suffisamment informé sur la transaction).
Les délais de consultation du CSE commencent à courir à compter de la communication par l’employeur de la note d’information relative à l’opération envisage, étant précisée que ce document devra être rédigé en langue française.
La rédaction de cette note d’information est un point crucial à prendre en compte et à ne pas sous-estimer car en pratique cet exercice prend souvent plusieurs semaines, en fonction de la complexité de l’opération. Ce document devra en effet couvrir notamment (i) les aspects économiques, juridiques et financiers du projet, ce qui comprend en cas de cession à un tiers, une partie relative à l’acquéreur potentiel et à ces plans / projets, mais également (ii) les conséquences envisagées de l’opération sur les salariés et leur statut collectif, de même que (iii) les conséquences opérationnelles et organisationnelles de l’opération et les (iv) conséquences sur la santé et la sécurité des salariés. En pratique, l’acquéreur potentiel doit donc être impliqué dans la rédaction de ce document, pour la partie le concernant.
Les points clés à prendre en compte dans la phase de préparation de la consultation du CSE sont donc les suivants:
- avoir effectué en amont toute analyse juridique qui peut s’avérer nécessaire pour la rédaction de la note d’information (en particulier en cas de transferts de salariés, avoir déterminé si ces derniers interviendront automatiquement en application de l’article L1224-1 du code du travail ou de manière volontaire, analyser l’impact de l’opération sur le statut collectif des salariés, en cas de sortie du groupe, avoir analysé l’impact de cette sortie sur les avantages qui pourraient avoir été consentis au niveau du groupe ; avoir analysé une éventuelle application de la loi Hamon, etc…);
- rédiger une note d’information suffisamment précise et détaillée/ complète dès le départ, afin de permettre d’initier valablement la procédure de consultation et d’éviter que le CSE n’essaie par la suite de soutenir que la consultation n’a pas démarré au motif que la note d’information était trop vague ou générale ;
- impliquer l’acquéreur potentiel dans la rédaction des parties de la note le concernant;
- se réserver un délai suffisamment long pour la rédaction de la note d’information;
- en fonction de la complexité de la transaction, il peut arriver que le CSE refuse de rendre un avis ou menace de saisir les tribunaux. Dans un tel cas, obtenir des garanties de la part de l’acquéreur potentiel (par exemple garantie d’emploi pendant une certaine période, maintien du statut collectif pendant une durée déterminée) peut s’avérer un moyen efficace de résoudre une situation conflictuelle et de permettre de clore la procédure de consultation. Cet aspect doit donc également être anticipé et discuté en amont avec l’acquéreur potentiel avant le début de la procédure de consultation du CSE.
Une fois la note d’information communiquée au CSE, la procédure de consultation démarre.
Quelques conseils pratiques à ce sujet pour permettre un bon déroulement de cette procédure :
- il est essentiel de pouvoir répondre rapidement à toutes les questions / demandes d’informations qui vont être formulées par le CSE et / ou l’expert qu’il aura nommé ;
- pour ce faire, cet exercice de questions-réponses nécessite une gestion interne efficace (en particulier dans les groupes de sociétés) et il faudra notamment avoir mobilisé les ressources nécessaires au niveau de la société et du groupe afin de permettre de répondre de façon proactive au CSE; et
- pour les projets de vente à un tiers, il est fréquent que l’acquéreur potentiel participe à une des réunions du CSE et ici encore, il faudra avoir anticipé et préparé la venue de ce dernier, pour s’assurer notamment de son accord et de sa disponibilité.
Une fois la consultation du CSE terminée, la transaction peut alors être poursuivie et la signature de la documentation commerciale pourra intervenir.
Vous l’aurez compris, en France, la procédure de consultation du CSE est loin d’être une simple formalité, sachant que le défaut de consultation du CSE ou une consultation irrégulière peuvent être constitutifs d’un délit d’entrave (sanctionné par des amendes) et donner lieu au paiement de dommages et intérêts. Des risques d’actions devant les tribunaux du CSE en cours de procédure aux fins d’obtenir la suspension du projet jusqu’à la régularisation de la procédure d’information et de consultation pourraient également être encourus. Il est également important de noter qu’il n’est pas possible en droit français de prévoir dans la documentation commerciale, que la consultation du CSE constitue une condition suspensive à la réalisation de l’opération.
Comme indiqué ci-dessus, les principes fondamentaux en la matière sont l’anticipation et la préparation. N’hésitez donc pas à vous rapprocher de vos conseils habituels qui ont l’expérience de ce type de procédure pour gérer au mieux cet exercice délicat.