La Cour de cassation a été saisie d’un dossier concernant un salarié de la société Euro Disney, qui avait été licencié à la suite de la découverte, par son employeur, et dans le cadre d’une enquête pénale, du fait que celui-ci avait acheté à l’un de ses collègues des stupéfiants.
En effet, au printemps 2012, une procédure d’instruction avait été ouverte pour rechercher des faits d’infraction à la législation sur les stupéfiants au sein du parc d’attraction. Plusieurs salariés avaient alors été mis en cause. Dans le cadre de cette procédure pénale, la société Euro Disney s’était constituée partie civile, ce qui avait permis à son avocat d’avoir accès à une copie du dossier pénal. Celui-ci contenait notamment un procès-verbal d’audition du salarié, qui reconnaissait avoir régulièrement passé des commande de résine de cannabis auprès de l’un de ses collègues. Le salarié n’avait cependant pas fait l’objet d’une quelconque condamnation, ni même d’une mise en examen.
La société Euro Disney a cependant notifié au salarié son licenciement pour faute le 24 septembre 2013. La société a fondé ce licenciement sur le fait que le comportement du salarié avait facilité et participé au développement d’un trafic de stupéfiants au sein de l’entreprise. Par ailleurs, la société a reproché au salarié d’avoir méconnu son obligation de sécurité à l’égard des autres salariés de l’entreprise.
Le salarié a contesté son licenciement, en invoquant la nullité de celui-ci. A l’appui de ses prétentions, le salarié faisait valoir la présomption d’innocence, au titre de liberté fondamentale dont la violation est sanctionnée par la nullité de l’acte incriminé (ici, le licenciement). Il estimait que son licenciement, fondé sur des déclarations faites lors d’une audition auprès des services de police dans le cadre d’une enquête pénale, alors qu’il était en situation de contrainte, méconnaissait les libertés fondamentales que sont la présomption d’innocence et le droit de se défendre en justice.
La Cour d’appel a fait droit aux demandes du salarié, et ordonné la réintégration du salarié sous astreinte. La société a formé un pourvoi en cassation à l’encontre de l’arrêt de la Cour d’appel.
La Cour de cassation avait la lourde charge de répondre à un certain nombre de questions. Le salarié pouvait-il se prévaloir de la présomption d’innocence ? La société pouvait-elle fonder le licenciement sur des faits découverts à l’occasion de la consultation du dossier pénal d’instruction ? Le licenciement était-il justifié, alors que le salarié n’avait fait l’objet d’aucune condamnation ?
Dans l’arrêt du 13 décembre 2017, la Cour de cassation balaie d’un revers de main ces questions, et affirme très clairement que :
- « le droit à la présomption d’innocence qui interdit de présenter publiquement une personne poursuivie pénalement comme coupable, avant condamnation, d’une infraction pénale n’a pas pour effet d’interdire à un employeur de se prévaloir de faits dont il a régulièrement eu connaissance au cours d’une procédure pénale à l’appui d’un licenciement à l’encontre d’un salarié qui n’a pas été poursuivi pénalement », et
- « la procédure disciplinaire est indépendante de la procédure pénale, de sorte que l’exercice par l’employeur de son pouvoir disciplinaire ne méconnaît pas le principe de la présomption d’innocence lorsque l’employeur prononce une sanction pour des faits identiques à ceux visés par la procédure pénale ».
Dans la mesure où la société Euro Disney avait eu régulièrement connaissance des faits dans le cadre de la procédure pénale (ce qui n’était pas contesté), c’est légitimement qu’elle a pu s’en prévaloir dans le cadre de la procédure de licenciement, procédure disciplinaire distincte de la procédure pénale.
Le licenciement intervenu n’était donc pas contraire, ni à la présomption d’innocence, ni à la liberté fondamentale du salarié d’exercer ses droits de la défense.
A noter cependant que notifier un licenciement pour des faits visés par une enquête pénale n’est pas sans risque. En effet, une décision de relaxe peut, dans certains cas, venir remettre en cause la réalité des faits ayant donné lieu au licenciement. Ces licenciements doivent donc faire l’objet d’une attention particulière.