Lorsque des employés bénéficient d’un régime d’intéressement long terme, leur fin d’emploi sans motif sérieux peut soulever de nombreuses questions en ce qui a trait à leurs droits découlant dudit régime.
Les employés vont souvent tenter de réclamer une indemnité pour l’ensemble des avantages qui leur avaient été octroyés avant leur fin d’emploi, même lorsque les conditions d’acquisition de ces avantages n’étaient toujours pas satisfaites au moment du congédiement et qu’elles ne l’auraient pas été après la période de délai-congé raisonnable.
Dans l’affaire Leyne c. PSP Investments[1], la Cour d’appel est venue confirmer que, en regard des faits du litige dont elle était saisie, l’indemnité de fin d’emploi en vertu du droit commun devait être limitée aux avantages qui seraient devenus acquis pendant la durée du délai-congé raisonnable. Ainsi, les avantages qui devenaient acquis après la période du délai-congé ne doivent pas être inclus dans l’indemnité de délai-congé.
Dans cette affaire, l’employé, qui a été congédié sans motif sérieux, bénéficiait d’un régime d’intéressement à long terme.
En vertu de ce régime, l’employé se voyait octroyer, lors d’une année donnée, des unités qui devenaient acquises et payables seulement quatre ans plus tard. La valeur de ces unités était établie à la fin de cette période de quatre ans en tenant compte de facteurs fondés à la fois sur la performance de l’individu et de l’entreprise, au cours de ces quatre ans. Ce programme d’intéressement avait comme objectif à long terme d’encourager les employés à bien performer et à rester à l’emploi.
L’employé prétendait que la Cour devait notamment inclure dans son indemnité de délai-congé une compensation pour l’ensemble des unités qui lui avaient été octroyées, même pour les unités qui devaient devenir acquises après la durée de délai-congé raisonnable. La Cour d’appel a rejeté cet argument.
La Cour d’appel a d’abord rappelé que le régime d’intéressement peut évidemment prévoir une indemnité de fin d’emploi plus généreuse que ce à quoi l’employé a droit en vertu du droit commun (articles 2091 et 2092 du Code civil du Québec). Toutefois, le régime ne peut prévoir une indemnité moindre que ce qui découle de ces dispositions d’ordre public de protection.
À la lumière des faits de cette affaire, la Cour d’appel conclut qu’en vertu du droit commun, l’indemnité de délai-congé devait se limiter à inclure la valeur des unités qui auraient été acquises pendant la durée du délai-congé, soit celles octroyées quatre ans plus tôt. Les autres unités, octroyées dans les trois années précédant le congédiement et qui seraient devenues acquises après la période du délai-congé raisonnable, ne devaient pas être retenues pour établir l’indemnité de fin d’emploi.
Ainsi, la Cour d’appel refuse de reconnaître un quelconque droit à l’indemnisation pour les unités qui seraient devenues acquises après la période du délai-congé raisonnable.
En l’espèce, étant donné que la clause de fin d’emploi prévue au régime d’intéressement était plus généreuse que ce à quoi l’employé aurait eu droit en vertu du droit commun, la Cour a conclu qu’aucune autre indemnité n’était due à l’employé.
Cette décision est intéressante puisqu’elle vient préciser les règles applicables lorsqu’un employé congédié bénéficie d’un régime d’intéressement à long terme. Il faut toutefois mentionner qu’étant donné que le régime d’intéressement dans cette affaire incluait notamment une clause généreuse d’indemnité en cas de fin d’emploi, la Cour d’appel n’a pas eu à traiter de l’affaire IBM Canada ltée c. D.C.[2] Dans cette dernière cause, la Cour d’appel avait reconnu à l’employé des droits encore plus limités en matière d’indemnité de délai-congé découlant d’un régime d’intéressement à long terme accordé sous la forme d’un régime d’options d’achat d’actions.
Enfin, notons que l’employé dans cette affaire avait déposé une requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême du Canada, laquelle a été rejetée le 30 mars dernier.[3]
[1] 2022 QCCA 407.
[2] 2014 QCCA 1320.
[3] 2023 CanLII 24526 (CSC).