Le COVID-19 a fait son apparition en France il y a quelques semaines déjà et les Français sont confinés depuis le 17 mars dernier. Les répercussions de cette pandémie sont importantes, et le Gouvernement a été autorisé, par la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, à prendre des mesures par voie d’ordonnance.

Plusieurs ordonnances ont été adoptées en Conseil des ministres le 27 mars 2020, et publiées au Journal Officiel, en matière sociale. Un décret est venu élargir les règles de l’activité partielle. De nouvelles ordonnances sont par ailleurs venues compléter le dispositif le 1er avril 2020.

 

1. Aménagement des règles relatives aux congés

 

La première ordonnance, entrée en vigueur le 26 mars 2020, porte sur les congés payés, les jours de repos et la durée du travail.

Par accord collectif d’entreprise, ou à défaut de branche, les entreprises seront autorisées, de façon unilatérale, à imposer la prise de congés payés acquis (pour les congés non encore posés) ou à modifier les dates d’un congé (pour ceux déjà posés), et ce dans la limite de 6 jours ouvrables de congés payés.

Par ailleurs, lorsque l’intérêt de l’entreprise le justifie eu égard aux difficultés économiques liées à la propagation du COVID-19, les entreprises pourront, de manière unilatérale, décider ou modifier les dates de certains jours de repos (ceux résultant de la réduction du temps de travail « RTT », d’une convention de forfait ou encore les jours placés sur un compte épargne temps), dans la limite de dix jours

Le délai de prévenance du salarié par l’employeur à ce titre ne peut être inférieur à un jour franc. Ces mesures s’appliquent jusqu’au 31 décembre 2020.

 

2. Des dispositions sur le temps de travail assouplies

 

Certains secteurs « particulièrement nécessaires à la sécurité de la Nation et à la continuité de la vie économique et sociale » vont pouvoir temporairement déroger aux règles relatives à la durée du travail. La liste des secteurs concernés (énergie, télécommunications, logistique,  transports, agriculture et agroalimentaire…) sera publiée dans les prochains jours par décret.

Les salariés pourront travailler jusqu’à 12 heures par jour (contre 10 habituellement) et jusqu’à 60 heures par semaine (contre 48 en temps normal). Des assouplissements sont également prévus pour les travailleurs de nuit, qui pourront être amenés à travailler jusqu’à 12 heures par jour ou 44 heures en moyenne par semaine. La durée du repos quotidien minimum est réduite de 11 à 9 heures. Le principe d’interdiction du travail le dimanche est en outre aménagé, par une possibilité de roulement.

Les entreprises qui utilisent ces dérogations devront en informer sans délai et par tout moyen le comité social et économique (CSE) et la Direccte.

Ces mesures s’appliquent jusqu’au 31 décembre 2020.

 

3. Participation et intéressement : une date de versement reportée

 

La deuxième ordonnance, également entrée en vigueur le 26 mars 2020, porte sur l’intéressement et la participation. Elle prévoit la possibilité pour les entreprises de verser les sommes dues aux salariés au titre de l’intéressement et de la participation au plus tard le 31 décembre 2020 (au lieu du 30 juin).

 

4. Des possibilités élargies de recourir à l’activité partielle

 

L’activité partielle, quant à elle, a fait l’objet de deux textes publiés récemment :

  • le décret n° 2020-325 du 25 mars 2020, entré en vigueur le 26 mars 2020, et
  • l’ordonnance n° 2020-346 du 27 mars 2020

Pour mémoire, l’activité partielle (plus connue sous le nom de chômage partiel) est un dispositif qui permet de réduire ou suspendre temporairement l’activité des salariés. Durant cette période, l’employeur verse une indemnisation au salarié placé en position d’activité partielle, et l’État garantit à l’employeur une prise en charge – en principe partielle – de l’indemnisation des heures chômées.

Selon le site internet du ministère du travail, les employeurs souhaitant bénéficier de ce dispositif doivent être dans l’un des cas suivants :

  • l’entreprise est concernée par les arrêtés prévoyant une fermeture de l’entreprise ;
  • l’entreprise est confrontée à une baisse d’activité ou/et à des difficultés d’approvisionnement ;
  • il est impossible à l’entreprise de mettre en place les mesures de prévention nécessaires pour la protection de la santé des salariés (télétravail, geste barrière, etc.) pour l’ensemble des salariés.

Tous les salariés ayant un contrat de travail peuvent y prétendre, y compris désormais les salariés sous forfait annuel en jours ou en heures, ou encore les salariés des entreprises étrangères ne disposant pas d’établissement en France qui effectuent leur activité sur le territoire national (depuis l’ordonnance).

La demande de l’employeur doit être adressée en ligne (ici) auprès du préfet du département où est implanté l’établissement concerné. Elle doit préciser les motifs justifiant le recours à l’activité partielle (selon le ministère : circonstances exceptionnelles + coronavirus), la période prévisible de sous-activité et le nombre de salariés concernés. L’employeur dispose d’un délai dérogatoire de 30 jours à compter du placement des salariés en activité partielle pour adresser la demande, avec effet rétroactif. Le décret a diminué les délais de réponse de l’administration à 48 heures (au lieu de 15 jours) à compter de la réception de la demande.

Lorsqu’elle est accordée, l’autorisation de mise en activité partielle peut couvrir une période maximale de 12 mois (au lieu de 6 mois auparavant).

L’employeur doit en principe informer et consulter le CSE préalablement à la mise en place du chômage partiel, mais eu égard aux circonstances, le décret prévoit que l’avis du CSE peut être recueilli jusqu’à deux mois à compter de la demande de l’employeur. Les entreprises sans représentants du personnel doivent simplement informer leurs salariés à ce titre.

Les salariés ne peuvent refuser leur mise en activité partielle (y compris, selon l’ordonnance, les salariés protégés).

Le salarié en activité partielle n’a pas droit au paiement d’un salaire, mais il perçoit une indemnité spécifique pour chaque heure chômée et indemnisable (non soumise à cotisations de sécurité sociale). Les nouveaux textes ne modifient pas le montant de l’indemnité versée aux salariés (toujours égale à 70% du salaire brut). Par contre, le décret supprime le reste à charge pour l’entreprise en alignant le montant de l’allocation d’activité partielle versée par l’Etat à l’entreprise sur celui de l’indemnité d’activité partielle versée par l’entreprise aux salariés dans la limite de 70% du salaire brut et dans la limite de 4,5 fois le montant du SMIC brut.

Au 25 mars 2020, près de 100 000 entreprises avaient fait une demande d’activité partielle et 1,2 million de salariés étaient concernés, pour un montant total de près de 4 milliards d’euros selon le ministère du Travail, qui a mis en place une assistance téléphonique pour aider les entreprises dans leurs démarches.

 

5. Des aménagements concernant la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat

 

L’une des ordonnances complémentaires publiées le 1er avril 2020 introduit également des aménagements relatifs au dispositif créé en 2019, et renouvelé en 2020, en prévoyant :

  • pour les entreprises qui ne disposent pas d’un accord d’intéressement: la possibilité de verser une prime d’un montant maximal de 1.000 euros bruts;
  • pour les entreprises qui mettent en oeuvre un accord d’intéressement à la date de versement de la prime: la possibilité de verser une prime d’un montant maximal de 2.000 euros bruts.

Cette prime est exonérée de charges sociales et d’impôt sur le revenu sous réserve du respect de certaines conditions. Son montant peut être modulé notamment en fonction des conditions de travail liées à l’épidémie de Covid-19. Son versement doit intervenir au plus tard au 31 août 2020.

 

6. Des pouvoirs accrus pour les services de santé au travail

 

Les services de santé au travail sont désormais mobilisés pour participer à la lutte contre l’épidémie de Covid-19. A ce titre, ils seront notamment autorisés à:

  • prescrire et, le cas échéant, renouveler un arrêt de travail en cas d’infection ou de suspicion d’infection au covid-19 ou au titre des mesures de prévention;
  • procéder à des tests de dépistage du covid-19 selon un protocole qui sera défini par arrêté.

 

7. L’adaptation des règles relatives à la mise en place et au fonctionnement des instances représentatives du personnel

 

L’une des dernières ordonnances publiées introduit également des mesures d’urgence relatives aux instances représentatives du personnel, en prévoyant:

  • la suspension des processus électoraux engagés (avec effet au 12 mars 2020), ou l’octroi d’un délai supplémentaire de 3 mois pour les employeurs qui n’auraient pas encore engagé le processus électoral, ainsi qu’une dérogation à la règle relative à l’organisation d’élections partielles;
  • la prorogation des délais de contestation administrative et judiciaire en matière de contentieux électoral;
  • la prorogation des mandats des représentants du personnel en cours au 12 mars 2020;
  • la possibilité pour les élus du CSE de tenir ses réunions par visioconférence ou conférence téléphonique, voire même, à titre subsidiaire, par messagerie instantanée.